Léo Ferré Léo Ferré - Les étrangers

Regarde-la ta voile elle a les seins gonflésLa marée de tantôt te l'a déshabilléeLes bateaux comme les filles ça fait bien des chichisMais ce genre de bateau ça drague pas dans ParisT'as les yeux de la mer et la gueule d'un bateauLes marins c'est marrant même à terre c'est dans l'eauTa maman a piqué sur ta tête de vieux chienDeux brillants que tu mets quand t'embarques ton destinC'est pas comme en avril en avril soixante-huitLochu tu t'en souviens la mer on s'en foutaitOn était trois copains avec une tragédieEt puis ce chien perdu tout prêt à s'suiciderQuand la mer se ramène avec des étrangersHomme ou chien c'est pareil on les r'garde naviguerEt dans les rues d'Lorient ou d'Brest pour les sauverY a toujours un marin qui rallume son voilierRegarde-la ta quille à la mer en alléeLa marée de tantôt te l'a tout enjupéeLes bateaux comme les filles ça fait bien du chiquéMais quand on s'fout à l'eau faut savoir naviguerT'as le cœur comme ces rocs vêtus de ChantillyQuand la tempête y a fait un shampooing dans la nuitTa maman t'a croché deux ancres aux doigts de chairEt les lignes de ta main ça s'lit au fond d'la merC'est pas comme en avril en avril soixante-huitLochu tu t'en souviens dans ces rues de l'emmerdeOn était trois copains au bout de mille nuitsEt le jour qui s'pointait afin que rien ne s'perdeQuand la mer se ramène avec des étrangersEn Bretagne y a toujours la crêperie d'à côtéEt un marin qui t'file une bonne crêpe en cimentTellement il y a fourré des tonnes de sentimentsRegarde-la ta barre comme de la Pop musiqueÇa fait un vrai bordel chez les maquereaux très chicsLa mer a ses anglais avec le drapeau noirOn dirait Soixante-huit qui s'en r'vient du trottoirMa maman m'a cousu une gueule de chimpanzéSi t'as la gueule d'un bar j'm'appelle Pépée FerréC'est pas comme en avril en avril de mon culDans ce bar endossé au destin de la rueEt c'est pas comme demain en l'An de l'An Dix milleLochu tu t'en souviens c'était beau dans c'temps-làLa mer dans les Soleils avec ou bien sans quilleUn bateau dans les dents des étoiles dans la voixEt quand on se ram'nait avec nos GalaxiesÇa faisait un silence à vous mourir d'envieEt les soirs d'illusion avec la nuit qui vaDans Brest ou dans Lorient on pleure et on s'en vaL'An Dix mille... Lochu ? Tu t'rappelles ?L'An Dix mille... Tu t'rappelles ? Lochu ?L'An Dix mille, l'An Dix mille, l'An Dix mille...